Eugène
Delacroix
Le
cardinal de Richelieu disant la messe dans la chapelle du Palais-Royal
Huile sur
toile
Signé en
bas à droite : Eug Delacroix
1828
H. 40 cm
x L. 32,4 cm
Achat, MD
2015-7
Musée Eugène
Delacroix Paris
6, rue de Furstenberg
75006 Paris
Métro: Saint
Germain-des-Prés ou Mabillon.
Cette œuvre exceptionnelle est
une esquisse du grand tableau du Cardinal de Richelieu disant la messe dans la
chapelle du Palais-Royal qui fut commandé à Eugène Delacroix, sans doute en
1828, par le duc d’Orléans -le futur Louis-Philippe- pour sa galerie historique
du Palais-Royal. Celle-ci rassemblait des œuvres liées à l’histoire du lieu, de
sa construction par le cardinal de Richelieu jusqu’au début du XIXe siècle. La
scène représentée par Delacroix semble évoquer un épisode de 1635, soulignant
combien l’homme d’Église était aussi soldat : « À l’exemple du cardinal de
Lorraine, Richelieu avait des gardes dont l’ordre était […] de ne pas le
quitter à l’autel, et de mêler ainsi l’odeur de la poudre à canon et de la
mèche parmi l’odeur de l’encens. » De grandes dimensions – plus de deux mètres
par un mètre et trente centimètres – le tableau fut exposé au Salon de 1831. Il
avait occupé Delacroix pendant plusieurs mois, s’il faut en croire la lettre
qu’il écrivit à son ami Charles Soulier : « Je dirais que le maudit tableau du
duc d’Orléans m’a tenu trois grands mois. » Il avait par ailleurs également
écrit à son ami peintre Louis de Schwiter pour lui demander de copier pour lui
la tête du cardinal d’après la grande œuvre de Philippe de Champaigne du Louvre
(Inv 1136).
Le 24 janvier 1848, le tableau
disparut dans la mise à sac du Palais-Royal et n’est aujourd’hui connu que par
sa gravure et par les oeuvres qui lui sont associées. Cette disparition –
qu’évoque une mention laconique de Delacroix dans son Journal en 1847 - rend
l’acquisition récente de son esquisse par le musée Delacroix plus précieuse
encore. Si le sujet et la composition d’ensemble sont les mêmes, le petit
tableau nouvellement acquis offre avec la commande du duc d’Orléans de
nombreuses différences, qui lui donnent une qualité singulière. L’introduction
de colonnes torses lui confère un rythme plus fort. Ces colonnes n’existaient
pas au Palais-Cardinal, sous Richelieu, mais sont proches de l’architecture du
Val-de-Grâce, construit après la mort du premier ministre de Louis XIII. La
présence de la figure du hallebardier, au premier plan à gauche, tournant le
dos au spectateur, exalte la tension dramatique de la peinture. La main sur son
mousquet, il semble prêt à intervenir si la vie de son maître était en danger,
contrevenant ainsi aux usages religieux, mais demeurant fidèle à la volonté du
redoutable homme d’État. Les visages, celui du cardinal notamment, sont à peine
esquissés, contrastant avec la place donnée à la couleur, au rouge cardinal, en
particulier, qui exacerbe la théâtralité du tableau.
C’est une amie de Delacroix,
peintre elle-même, Louise Rang-Babut, qui acquit cette très belle esquisse en
1846. Elle fréquentait à Paris l’atelier du peintre depuis 1837 et s’était
installée ensuite à La Rochelle où elle avait ouvert un atelier de peinture.
Louise recevait les conseils de Delacroix qui lui envoyait des esquisses. Est-ce
le cas de celle-ci dont il évoque, dans son Journal, l’achat par son amie sur
la page de garde du carnet daté de 1847 : « le Richelieu 200 francs » ? La
datation de l’œuvre pose en effet question. Certains penchent ainsi pour une
réplique, réalisée au début des années 1840 pour sa destinataire. D’autres y
voient plutôt une première intention pour le grand tableau de 1828, plus forte
qu’il ne fut. Il aurait été ensuite modifié à la demande du duc d’Orléans, afin
d’être plus conforme à une commande officielle.
Dans la collection du dernier
appartement et dernier atelier de l’artiste, cette peinture met en évidence les
liens qui unissaient Louise et Delacroix : leur amitié était réelle, au point
que le peintre fut parrain du second fils de Louise avec laquelle il demeura
lié jusqu’à son décès en 1863. Cette œuvre précieuse, doublement liée, par son
commanditaire initial et par son sujet, à l’histoire de France, est ainsi
également une œuvre intime.
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